ÉCOSOPHIA

 



 

QUELLES MÉTAMORPHOSES

SERONT NÉCESSAIRES

POUR PARVENIR À

UNE ÉCONOMIE VRAIMENT DURABLE?

 

 

Le constat est terrible : les émissions de GES ont été à peine réduites ces dernières années. Est-ce simplement une question de volonté politique, de conscience et de mobilisation des citoyens ? Ou y a-t-il des causes systémiques plus profondes ? Jusqu’où faudra-t-il métamorphoser le système économique, technologique, entrepreneurial, monétaire, bancaire, financier, éducatif et politique pour parvenir à une économie vraiment durable ? Quelles règles du jeu devrons-nous changer ? Quelles règles du jeu pourrons-nous conserver ? Et surtout, comment parvenir rapidement à une telle métamorphose ?

En fait, si on prend un peu de recul, on se rend compte que ces 100 dernières années ont été une sorte de grand délire collectif, une orgie permanente, dans laquelle on s’est crus tout permis, sans se soucier des générations à venir, dans une totale inconscience et la fierté d’élever le niveau de vie et le confort matériel grâce à un système économique productif hyper efficace lié aux marchés et à l’Etat. Aujourd’hui, on siffle la fin de la récréation et on revient à la réalité, rappelés à l’ordre par une première réalité sensible : le réchauffement climatique, qui est aussi un dérèglement climatique.

C’est une situation inédite dans l’Histoire de l’Humanité. C’est du jamais vu. C’est la première fois que l’Humanité va devoir remettre en cause son mode de vie, intégralement. Les recettes du passé suffiront-elles à relever ce défi ou faudra-t-il inventer une stratégie inédite. Comment impliquer tout le monde, à la fois tous les Français mais aussi tous les humains sur la terre ?

D’abord, il faut bien reconnaître que c’est complexe et qu’il faudra mettre en place plein de moyens et de stratégies différentes et complémentaires (information, prises de conscience, nouvelles règles, normes, subventions, incitations, taxes, financements, etc.)

Mais il faut aussi reconnaître que certaines stratégies ne sont pas suffisamment efficaces :

  • Aujourd’hui, on compte beaucoup sur l’éthique des consommateurs et sur les labels pour faire évoluer l’offre.
  • On compte aussi sur chaque entreprise pour réduire son impact écologique. Ce qui amène à des résultats insuffisants et à faire du greenwashing. Or certaines activités devraient en toute logique être tout bonnement supprimées (cf. bouteilles d’eau) et d’autres devraient décroître fortement (comme l’automobile par exemple).

Ces stratégies ont un point commun : on compte sur la bonne volonté des individus et des entreprises pour faire des progrès en leur laissant une grande liberté (même s’il y a tout de même de plus en plus de contraintes).

Résultat : une grande partie des individus et des entreprises ne font rien ou presque rien.

Or si 20% de la population réduit son impact mais que dans le même temps 80% continue à l'accroitre, ça ne sert quasiment à rien. Les efforts de la minorité écolo auront tout simplement été vains. Il est donc vital d’inclure tout le monde dans le processus.

On a besoin d’une dynamique collective très forte, d’un effet d’entraînement, comme un bateau qui emporterait tous les individus, toutes les entreprises et toutes les administrations dans son sillage. Or pour cela, si la prise de conscience et l’éthique sont nécessaires comme impulsion et comme modèles (ce sont les petits colibris), on a besoin de forces d’entraînement beaucoup plus puissantes pour emporter toute la société dans la dynamique : ce sont des forces systémiques qui doivent être utilisées. Ces forces doivent décupler la motivation et l’envie (sur le plan psychologique) et donner les moyens de changer (sur le plan matériel).

 

Côté motivation (on est dans le fait de vouloir changer) :

  • Si on respecte la liberté d’agir à son rythme, on voit bien que la stratégie d’information et d’incitation est largement contrariée par la publicité qui envoie des messages contraires (d’où une dissonance cognitive). Regardons où nous en sommes : quelle part de la population a déjà fait un bilan carbone et est dans une démarche sérieuse et volontaire de réduction de son empreinte ? Je crains que cette part ne soit très faible.
  • C’est pourquoi, certains imaginent de mettre en place un système qui obligerait chacun à rentrer dans une démarche très contraignante de réduction de l’empreinte écologique. Je pense notamment aux quotas carbone et au compte carbone. Cette proposition mériterait un grand débat, car les enjeux sont complexes et nombreux : ainsi, peut-on attribuer le même quota à chacun sans que cela soit perçu comme une profonde injustice par certains ? comment comptabiliser nos achats les plus polluants qui sont très irréguliers et espacés dans le temps (véhicule, ordinateur, smartphone) ? doit-on pénaliser ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule moins polluant ou d’acheter des produits bio ? Enfin, on peut se demander si un système aussi contraignant ne risque pas de susciter une forte résistance ; dès lors comment susciter l’adhésion à un tel système ?

Entre la liberté de changer de mode de vie à son rythme (qui est la stratégie actuelle) et la contrainte de réduire son empreinte écologique par des quotas et un compte carbone, il me semble qu’on pourrait imaginer une autre voie.

  • Si on n’a que des interdictions, des normes, des quotas, des subventions, la motivation est relativement faible : il n'y a pas d'enthousiasme. On le fait soit parce qu'on y est contraint par la loi, par le prix ou parce qu'on a pris conscience des enjeux. Mais tout cela reste triste et très sérieux. Or il existe une autre stratégie, beaucoup plus enthousiasmante : la dynamique de groupe associée aux jeux, aux challenges. Imaginez qu’on crée des petits groupes entre voisins, à l’échelle d’un lotissement, d’une rue, d’un quartier ou d’un village et qu’on lance un challenge entre quartiers, entre villages, entre villes : à ceux qui réduiront le plus leur empreinte carbone. Il faut que tous les citoyens soient enthousiasmés, galvanisés par ce challenge, qu'ils souhaitent l'emporter comme dans le jeu télévisé Intervilles (qui est l’un des plus gros succès d’audience dans de nombreux pays du monde), qu'ils célèbrent leurs victoires (par exemple une nouvelle organisation à l’échelle d’un village ou d’un quartier pour les déplacements qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre de x%), qu'ils contribuent chacun à trouver des solutions, qu'ils soient inventifs, créatifs, qu'ils soient récompensés, médaillés pour les meilleures solutions et réalisations, qu'ils se rassemblent régulièrement pour se motiver, partager des solutions, se féliciter, s'entraider, organiser des partages d'outils, du covoiturage, etc. On pourrait imaginer une appli qui permette de suivre les progrès réalisés en matière d'impact écologique au niveau individuel, familial, par quartier, commune, département, région, pays, avec une saine émulation et pourquoi pas des récompenses.
  • Ce qui compte le plus, c’est d’être dans l’esprit du jeu, dans cette dynamique qui fait qu’on est (sur)motivé, qu’on a envie de gagner. On pourrait même médiatiser certains exploits, créer des compétitions entre différentes villes (Paris, Berlin, Londres, New-York). Et surtout être fier d’avoir fait des progrès, d’avoir gagné des points (en termes d’impact écologique). Les êtres humains ne sont jamais aussi motivés que lorsqu’ils jouent, qu’ils sont en compétition, de façon ludique avec d’autres (on parle d’ailleurs de Jeux Olympiques). C’est là qu’ils peuvent se dépasser, donner le meilleur d’eux-mêmes !
  • Le challenge que nous avons à relever est unique dans l'histoire de l'Humanité. Jamais dans l'histoire de l'Humanité, on a été contraint de changer de mode de déplacement, de mode de chauffage, de mode d'alimentation en aussi peu de temps ! Car il faut que nous allions le plus vite possible et le plus loin possible dans la réduction de notre impact écologique.
    C’est pourquoi, il ne me semble pas absurde d’utiliser des méthodes inédites dans l'histoire humaine comme des challenges locaux, en plus des politiques nationales classiques qui sont elles aussi nécessaires.

 

S’il faut décupler la motivation (et donc le fait de vouloir changer), encore faut-il pouvoir changer, c’est-à-dire avoir les moyens de changer.

Côté ménages

  • Il y a un point qui me semble très important, concernant les ménages les moins riches : dans la transition écologique, on a décidé d’aider financièrement les ménages les moins riches pour l’isolation thermique, le changement de chauffage ou de voiture. Mais on devrait aller beaucoup plus loin, car nous avons tous intérêt à ce que la réduction des émissions de GES soit la plus rapide possible. Certains me diront que les moins riches ont une faible empreinte carbone. C’est vrai en moyenne. Mais ce n’est pas vrai pour toutes ces familles modestes qui se sont installées dans des petits villages, parfois dans des lotissements neufs, pour réduire leur budget logement mais qui travaillent en ville et qui font d’importants trajets quotidiens en voiture. Ceux-là ont une empreinte carbone relativement élevée. Et à vrai dire, il faudrait mettre à leur disposition gratuitement si nécessaire des vélos électriques ou des vélomobiles (qui sont des vélos électriques allongés avec une carrosserie permettant d’être protégé des intempéries), voire des voitures électriques s’ils sont vraiment très éloignés de leur travail ou bien, si c’est possible, il faudrait faciliter leur déménagement pour les rapprocher du travail. Ce qui pourrait se faire si on développe le cohabitat notamment (donc le partage d’une maison entre plusieurs personnes voire plusieurs familles), qui a de nombreuses vertus, dont la convivialité, la mutualisation, l’entraide et une réduction de la part du budget consacré au logement, sans compter que cela va réduire la nécessité de construire des logements neufs.
  • Dans tous les cas, il ne faut pas que le manque d’argent les empêche de réduire leur empreinte carbone. Dans ce cadre, il me semble qu’il faut se méfier d’une taxe carbone. En effet, une telle taxe a pour but d’augmenter le prix des biens les plus polluants pour en réduire la consommation. Or dans le cas d’une voiture ou d’un chauffage, l’augmentation du prix de l’essence, du fioul ou du gaz ne fera pas baisser beaucoup leur consommation, en raison de besoins de déplacements ou de chaleur difficilement compressibles. En revanche, un changement de véhicule ou de mode de chauffage peut réduire fortement l’empreinte carbone. Donc attention à cette croyance très forte chez les économistes que l’augmentation du prix induit automatiquement une baisse de la consommation : c’est vrai dans certains cas et dans une certaine mesure, mais pas dans d’autres (cf. smartphones). Et il existe des mesures beaucoup plus efficaces qu’une taxe carbone pour réduire l’empreinte carbone dans un certain nombre de cas.
  • Concernant l’alimentation, il faut que tout le monde puisse accéder à une alimentation respectueuse de l’environnement, ce qui demande :
    • D’abord que l’offre soit suffisante (et là, c’est le rôle de l’Etat de financer la reconversion des agriculteurs)
    • que les prix soient accessibles (ce qui est possible si la production est subventionnée, comme c’est le cas avec la PAC). Aujourd’hui, le prix est la raison principale pour laquelle l’immense majorité de la population n’achète pas de produits bio.
    • ou bien il faudrait qu’un autre poste du budget des ménages soit réduit, par exemple le logement, ce qui serait possible si on a plus de cohabitat ou qu’on métamorphose le marché immobilier, comme je le propose notamment dans mon livre Ecosophia (cf il existe de nombreux systèmes, très différents, dans le Monde qui génèrent des évolutions de prix très différentes Allemagne, France, Canada) cf animation sur les x dernières années
  • Mais, concernant le pouvoir d’achat, il faut faire attention à l’effet rebond : si les ménages font des économies grâce à l’isolation thermique, à un nouveau mode de chauffage ou de locomotion, il faudra veiller à ce que l’argent économisé ne conduise pas à accroître leur impact écologique en prenant l’avion, en achetant des biens électroniques ou autre. C’est pourquoi la motivation à réduire son bilan carbone devra rester intacte et constante. A terme, on sera certainement amené à se poser la question suivante : faudra-t-il réduire les revenus des ménages pour accompagner la réduction de la consommation, de la production et du nombre d’heures travaillées ? C’est une question économique très complexe mais qui devra certainement, à un moment ou un autre, faire l’objet d’un grand débat. Et cela pourrait passer par exemple par un impôt progressif qui permettrait de réduire les inégalités.

 

Côté entreprises

  • Il va falloir faciliter la suppression de certaines activités (les plus polluantes et les moins utiles, comme les bouteilles d’eau en plastique par exemple), faciliter la décroissance d’autres activités (comme la vente de vêtements neufs ou la production de viande par exemple), et faciliter les suppressions des emplois concernés : mais pour éviter la peur de la décroissance et des suppressions d’emplois, il faut :
    • que l’Etat et les collectivités locales soient en capacité de créer de très nombreux emplois dans l’éducation, la santé, la police, l’environnement, etc.
    • que les entreprises ne soient plus contraintes de faire de la croissance, de façon systémique, en raison des crédits bancaires assortis de taux d’intérêt et de la pression du marché des actions. Il faut donc métamorphoser le système de financement des entreprises. Soyons clairs : sans cela, il y aura toujours une dynamique de croissance des ventes au cœur de notre système économique. Que certaines entreprises (éthiques ou bio) croissent ne pose aucun problème si elles permettent de remplacer des produits polluants par des produits éthiques. Ce qui pose problème c’est la dynamique qui oblige certaines entreprises à croître, du fait de leur mode de financement. Cette dynamique, associée à la publicité, est probablement la principale menace qui nous empêche de réduire nos émissions de GES. C’est elle aussi qui explique les incohérences de ces entreprises qu’elles tentent de masquer par du greenwashing. Par ailleurs, la suppression du financement des entreprises par le marché des actions cotées permettra de réduire fortement les inégalités, puisque la principale source, totalement délirante, d’accroissement des inégalités aujourd’hui, c’est le marché des actions.
  • Il va donc falloir concevoir un nouveau système de financement des entreprises. Dans ce système, tous les projets et activités qui ne seront pas suffisamment durables ne pourront pas être financés. Quant aux projets et activités qui seront jugés utiles et suffisamment durables, ils trouveront toujours un financement, qui pourra être un mix de crédits bancaires, de subventions, de dons, de ventes, d’abonnements suivant le type d’activités. Mais en aucun cas, une activité jugée utile et suffisamment durable ne pourra être jugée sur le seul critère des ventes réalisées auprès de ses clients, c’est-à-dire sur le seul critère de la rentabilité. Car beaucoup d’activités sociales, artistiques, de soins, ne sont par nature pas rentables et pourtant tellement utiles. C’est pourquoi, dans ce nouveau système, toute activité utile et durable devra trouver un mode de financement adapté et pérenne.
  • Si les règles du jeu actuelles incitent à produire et à vendre le plus possible, il faudra à l’avenir inventer des règles du jeu tout aussi efficaces pour les inciter à répondre aux besoins de la façon la plus écologique possible. Ainsi, il faudra que l’impact écologique soit hautement valorisé, comme les profits le sont actuellement. Et cela pourrait passer par une métamorphose des règles de la comptabilité, comme certains y travaillent aujourd’hui (je pense notamment au modèle CARE et Alexandre Rambaud qui donnait une conférence à 14h aujourd’hui)
    On pourrait aussi récompenser les inventions les plus écologiques et faire en sorte que le coût de la recherche soit pris en charge par la collectivité, au nom de l’intérêt général. Ce qui encouragerait la recherche et pourrait permettre aux produits écologiques d’être moins chers que les produits polluants qu’ils remplacent.

Mais toutes ces mesures demandent beaucoup d’argent public, d’où la nécessité de donner à l’Etat et aux collectivités locales le pouvoir de créer et de détruire de la monnaie en fonction des besoins, comme je le propose dans mon livre Ecosophia.

Mais si l’Etat a la capacité de créer de la monnaie, n’y a-t-il pas un risque d’inflation ?

Cf Article et vidéo sur le mythe de la planche à billets à retrouver sur mon site ou en cherchant « planche à billets » dans un moteur de recherche

Maintenant, comment mettre en place toutes ces idées et propositions ? Une victoire d’une coalition de partis politiques très engagés sur les questions écologiques permettrait-elle de mettre en place cette dynamique et de réduire très fortement les émissions de GES ?

Peut-être… mais il y a de bonnes raisons d’en douter. Des raisons systémiques.

- Tout d’abord, si on compte sur l'élection présidentielle de 2022 pour avoir enfin un président et un gouvernement écologique et qu'on perd, que se passera-t-il ? C'est un pari extrêmement risqué que l'Humanité ne peut pas se permettre de prendre. On sait à quel point les élections sont manipulées, à quel point on peut détruire un candidat. On ne peut pas faire reposer l'avenir de l'Humanité sur la réputation fragile d'une seule personne.

En réalité, il me semble urgentissime de faire en sorte que les institutions politiques soient organisées de telle manière :

  • que l’ensemble de la population accepte les choix qui seront faits en intelligence collective
  • qu’on ne puisse pas revenir sur des engagements de long terme

Dans ce cadre, je pense qu’on va devoir faire le deuil des partis politiques et des élections pluralistes pour créer des institutions qui fonctionnent en intelligence collective. Pourquoi ?

  • La possibilité d’alternance pose un énorme problème écologique. En effet, si la population peut choisir une alternance à la politique d’un parti écologiste qui serait au pouvoir et qui demanderait des sacrifices et imposerait des contraintes, elle risque très logiquement de voter aux élections suivantes pour un parti qui, lui, promettra moins de contraintes et plus de libertés. C’est un problème purement systémique : si vous voulez réduire les émissions de GES, il ne faut pas donner la possibilité de revenir en arrière, de se relâcher. Car ce serait trop tentant. Par conséquent, il faudrait qu’aucun parti politique ne puisse promettre un relâchement. Mais qui peut le garantir ? Le propre des partis politiques, c’est que pour être élus, ils doivent plaire, séduire leur électorat ? Or quoi de plus séduisant pour beaucoup que de pouvoir de nouveau utiliser sa voiture ou prendre l’avion quand on le veut ?
  • Par ailleurs, les partis politiques ont tendance à diviser les citoyens de manière exagérée et à donner une mauvaise image de la politique, qui devrait être juste la gestion des problèmes communs. Pourquoi ? Parce que pour gagner les élections suivantes, les partis d'opposition critiquent systématiquement et en permanence la majorité, ce qui a tendance à salir la politique en général, à générer des divisions artificielles et exagérées.
  • En outre, une Assemblée issue de partis politiques n’est pas du tout représentative de la population, ni dans sa sociologie, ni dans les idées, même quand elle est élue à la proportionnelle (ce qui peut d’ailleurs empêcher de former un gouvernement et ne résout rien comme on peut le voir en Israël)
  • Enfin, les députés ont tendance à voter conformément ce que demande le Président ou le Premier ministre, par loyauté mais aussi de peur de ne pas être à nouveau sélectionné par leur parti lors de la prochaine élection.

Toutes ces raisons (et bien d’autres encore comme le lobbying) font que l’organisation actuelle des institutions politiques génère tout sauf l’intelligence collective dont nous avons besoin pour faire des choix d’avenir.

Or cette intelligence collective, on l’a vue apparaître lors de la Convention Citoyenne pour le Climat où les 150 tirés au sort ont cherché ensemble des solutions, après avoir été bien informés par des experts et avoir débattu sur de nombreux sujets. Bien sûr, il y a eu des désaccords sur certains sujets, mais pas une opposition systématique entre des clans opposés. C’est de cette intelligence et sagesse collective dont nous avons besoin pour l’avenir.

Notez bien que les individus tirés au sort dans la Convention ne sont pas plus vertueux par nature que les Députés de l’Assemblée nationale. Ce qui change, simplement, ce sont les règles du jeu, les processus (pour traiter les questions et chercher des solutions), les enjeux (tirage au sort d’un côté, réélection de l’autre). Le résultat, c’est que les débats étaient plus sereins et surtout que les tirés au sort étaient uniquement motivés par la recherche de solutions là où les Députés sont tiraillés par un tas d’enjeux (intérêts locaux, lobbys, idéologie, réélection, loyauté, alternance) qui les détournent de la quête de l’intérêt général.

Si notre organisation politique incluait plus d'intelligence collective et une meilleure représentation de l'ensemble de la population, une décision comme la hausse des taxes sur l'essence n'aurait probablement jamais été prise et à l’inverse on se serait préoccupé de la hausse des loyers depuis le début des années 2000...

Le système actuel pousse à prendre des décisions issues d'un tout petit nombre de cerveaux conseillés par un tout petit nombre de conseillers ayant une formation assez similaire alors qu'une Assemblée plus représentative et non issue de partis politiques permettrait de prendre en compte plus de points de vue, d'avoir plus d'informations et de prendre une bien meilleure décision.

Alors, non, la démocratie ne doit pas être confondue avec un système représentatif à élections pluralistes. Une assemblée communautaire où tout le monde peut s’exprimer et où les décisions sont prises de manière collective, au consensus ou à la majorité, est beaucoup plus démocratique qu’un maire élu pour 6 ans et qui a le droit de décider de tout, avec sa majorité municipale, contre l’avis de la plupart de ses citoyens. De la même manière, on peut se demander, maintenant qu’on l’a expérimenté, quelle est l’assemblée la plus démocratique entre la CC et l’Assemblée nationale.

Si s'impliquer en politique n'oblige pas à adhérer à un parti, alors beaucoup, beaucoup plus de gens seront ravis de participer à la res publica, à des débats publics, non partisans, en intelligence collective. Il y a tellement de gens passionnés par les questions politiques, qui se sont forgés une opinion à force de lectures, de reportages, et si peu qui souhaitent adhérer à un parti !

A mon avis, si on veut réformer le système monétaire, financier, bancaire, médiatique, éducatif, de santé, imaginer un revenu de base, il vaudrait mieux créer des Conventions citoyennes qui travailleront sur ces sujets en intelligence collective. Car si on attend que cela passe par l’Assemblée nationale, sous sa forme actuelle, la plupart de ces réformes ne pourront pas se faire, tout simplement parce que les règles du jeu (partis politiques, réélection, alternance, lobbys) génèrent du conservatisme.

L’urgence climatique rend donc inévitable une métamorphose des institutions politiques, qui permettra toutes les autres métamorphoses.

Nous avons besoin d'une constituante car nous avons besoin de réfléchir à l'organisation politique la mieux adaptée pour faire face aux enjeux de notre temps : nous avons notamment besoin de concilier efficacité, implication d'un maximum de citoyens, recherche de l'intérêt général et prise en compte des générations à venir.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de plus en plus de citoyens qui en prennent conscience et qui œuvrent à ce que cette réforme advienne. Je pense notamment au travail qui est en train de se faire autour de Démocratie ouverte pour mettre en place une Convention citoyenne pour un Renouveau démocratique.

Et la même chose est vraie au niveau mondial : nous avons urgemment besoin d’une assemblée mondiale des citoyens pour engager toute l’Humanité dans certaines réformes concernant notamment le commerce international, de nouvelles normes comptables, un nouveau système monétaire et bancaire international, un nouveau système de financement des Etats. Les gouvernements actuels sont trop proches des lobbys bancaires et des multinationales pour oser prendre de telles décisions, pourtant si urgentes.

Au niveau mondial :
- UNPA Campaign https://en.unpacampaign.org/
- Democracy without borders https://www.democracywithoutborders.org/

Je suis certain que, quand nous aurons réformé nos institutions, nous trouverons que l’ancien système (celui de la 5ème République) était archaïque et nous nous en moquerons, en disant : « Tu te souviens de l’époque où on élisait une fois la gauche, une fois la droite, et où les uns détricotaient ce que les autres avaient fait. Où les grandes entreprises faisaient la loi… »

 

CONCLUSION

Même si elles peuvent paraître inaccessibles aujourd’hui, toutes ces métamorphoses sont possibles.
Et chaque fois que nous y croyons et que nous partageons notre foi, nous accroissons la possibilité que ces métamorphoses se réalisent.
J'utilise à dessein le mot foi car il s'agit bien de déplacer des montagnes.
Ainsi, une des plus grandes métamorphoses à réaliser va être de changer totalement notre rapport aux autres peuples. Réaliser que nous sommes une seule Humanité, embarquée sur le même bateau, notre merveilleuse planète bleue (cf. Siècle bleu de Jean Pierre Goux) et en tirer des conséquences : être solidaires, s'entraider, ce qui veut dire, concrètement : aider les pays les moins riches à développer leurs infrastructures de la façon la plus écologique possible, accompagner la transition des pays dont la richesse repose essentiellement sur l'extraction de ressources fossiles, aider les pays les plus exportateurs à réduire leur impact, se préparer à accueillir si nécessaire des réfugiés climatiques (qui compenseront notre déclin démographique cf. Italie).
Nous ne nous en sortirons collectivement que si nous faisons preuve d'empathie, de compréhension et que si nous souhaitons sincèrement que tout le monde aille bien (comme dans une famille). Sinon, nous risquons de connaître beaucoup de violences, fruits du désespoir, des pénuries et des humiliations.
Ce dont nous aurons le plus besoin pour nous en sortir, c'est d'un enthousiasme sans faille, d'une foi inébranlable dans la possibilité d'atteindre les objectifs, mais aussi de beaucoup d'humilité dans la meilleure manière de les atteindre, car les défis que nous avons à relever sont extrêmement complexes et nous ne nous en sortirons pas sans faire appel, le plus souvent possible, à notre sagesse et à notre intelligence collective.
Nous sommes capables de relever ces défis inédits. Encore faut-il que nous nous servions des meilleures qualités que nous avons tous en nous-mêmes : la confiance, la sagesse et la compassion (pour ne pas dire l'amour), ce qui implique qu'on se préoccupe sincèrement du sort de tous les êtres humains présents et à venir et qu'on en prenne soin, ce qui implique aussi que l'on prenne le plus grand soin des ressources, de la biodiversité et du climat pour les siècles à venir.

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