Et si le Bitcoin n’était qu’une gigantesque escroquerie ?

  

 Une image qui fait croire que le Bitcoin vaut de l'or...

alors que sa valeur repose sur des mensonges

 

 

Billet du 1er décembre 2017

 

Depuis plusieurs semaines, le monde entier est fasciné par l'envolée exponentielle du cours du Bitcoin, qui a déjà progressé de plus de 1000% en un an. Certains s’en réjouissent et participent à cette euphorie en investissant leur épargne dans cette cryptomonnaie révolutionnaire qu’ils considèrent comme l’avenir de la monnaie. D’autres s’en inquiètent, convaincus qu’il ne s’agit que d’une énorme bulle spéculative qui va se terminer en krach dévastateur.

Mais en réalité, cette effervescence nous fait passer à côté de la question essentielle : le Bitcoin est-il une monnaie viable ? C'est la réponse à cette question qui déterminera son avenir.

En effet, pour créer une nouvelle monnaie qui soit utilisée de manière durable, il ne suffit pas de créer des unités monétaires et de les vendre. Il faut aussi générer de la confiance. Or la confiance en une monnaie repose essentiellement sur sa stabilité : stabilité des prix et stabilité des taux de change. Toutes les monnaies instables finissent par disparaître car elles freinent les échanges, les prêts, les investissements.

Or le Bitcoin n’a pas été conçu pour être stable.

Dès lors, dans quel but le Bitcoin a-t-il été créé ?

 

 

 

 Le Bitcoin a été conçu comme un titre spéculatif et non comme une monnaie

 

 

Créé en 2009, le Bitcoin est présenté par ses promoteurs comme une monnaie libre mondiale qui permet de faire des transactions dans l’anonymat, sans passer par les banques, et gérée de façon décentralisée (sans Banque centrale) grâce à une technologie innovante et entièrement sécurisée : la Blockchain.

Plutôt séduisant à première vue !... Mais qu’en est-il vraiment ?

En vérité, le Bitcoin n’a pas grand-chose à voir avec une monnaie. Par contre, il a presque toutes les caractéristiques d’un titre spéculatif (comme une action) :

       - Le Bitcoin s’achète avec des devises (euro, dollar, yen, etc) et se revend comme un titre, de gré à gré, en fonction de l’offre et de la demande. Il ne peut donc être revendu que s’il trouve preneur.

       - Le cours du Bitcoin varie comme celui d’une action, en fonction des nouvelles et des espoirs de plus-values.

Mais pourquoi ne pas considérer le Bitcoin comme une devise ?

Parce que, grâce aux réserves de change dont elles disposent, les Banques centrales font en sorte que les devises soient toujours disponibles pour les échanges commerciaux, les touristes et les transferts de fonds des migrants notamment. Avez-vous déjà eu la moindre difficulté pour échanger vos Euros en Dollars, en Livres Sterling, en Francs suisses ou en Yen ?

Par ailleurs, le cours des devises varie en temps normal dans des proportions limitées, grâce aux interventions (parfois concertées) des Banques centrales. Imaginez que le cours de certaines devises varie de 1000% en un an (comme le Bitcoin), cela freinerait totalement le commerce international, et la variation du prix des produits importés rendrait certaines ressources vitales totalement inaccessibles dans certains pays (ce qui peut arriver en cas d’hyperinflation). Ce serait catastrophique.

En revanche, il arrive que le cours de certaines actions (par exemple les valeurs internet en 1999-2000) grimpe de façon exponentielle en quelques mois, ce qui prouve bien que le Bitcoin fonctionne plus comme un titre que comme une devise.

Pourtant, me direz-vous, le Bitcoin est une monnaie, puisqu’on peut acheter des choses avec.

La vérité, c’est que les commerçants (en ligne essentiellement) ne l’acceptent que parce que, pour le moment, son cours augmente assez régulièrement. En effet, dans la mesure où ils doivent faire la majorité de leurs achats (personnels et professionnels) en monnaie nationale, les fluctuations du Bitcoin obligent les commerçants à changer régulièrement leurs prix en Bitcoin et les soumettent à des risques importants de perte ou de gain au moment du change. Pas évident de gérer un commerce avec une telle imprévisibilité. Ce n’est jouable que tant que seule une part marginale des ventes se fait en Bitcoin ou tant que le cours du Bitcoin monte.

Au passage, on peut noter que quand le cours du Bitcoin grimpe, les détenteurs de Bitcoins n’ont pas intérêt à les dépenser tout de suite : il vaut mieux qu’ils les gardent pour les revendre ou les dépenser plus tard. Avec plus de 1000% de hausse du cours en an, la consommation peut se retrouver ainsi bloquée.

En revanche, si le cours baisse, les détenteurs de Bitcoin auront intérêt à s’en débarasser le plus vite possible (avant qu’il ne perde trop de valeur), ce qui fera chuter son cours, et les commerçants auront intérêt à ne pas l’accepter, car même s’ils modifient leurs prix régulièrement, ils risquent de perdre beaucoup au moment du change. Et si les commerçants n’acceptent plus le Bitcoin, alors il ne s’agit plus d’une monnaie !

On voit donc bien que si le cours du Bitcoin varie trop vite, personne n’a intérêt à s’en servir comme monnaie !

Pour bien comprendre pourquoi il est indispensable qu’une monnaie soit stable, on peut prendre également l’exemple des prêts : imaginez qu’un ami vous ait prêté généreusement un Bitcoin il y a un an (que vous avez utilisé pour vous acheter un ordinateur d’une valeur de 600 euros) et qu’il vous demande, comme convenu, de le rembourser maintenant. Que devez-vous lui rendre ? Un Bitcoin (soit près de 8800 euros au 1er décembre 2017) ? Ou une portion de Bitcoin correspondant à l’équivalent de 600 euros au cours du jour ? On voit bien que, pour trouver une solution juste, on devra se référer à une monnaie stable, dans laquelle le prix d'un ordinateur sera resté à peu près le même.

Comme l’illustrent les exemples précédents concernant la consommation et les prêts, une monnaie instable freine les échanges, les investissements, et donc la création et le développement des entreprises. En clair : il n’y a pas de développement possible sans une certaine stabilité monétaire.

Par conséquent, les fluctuations erratiques du cours du Bitcoin en font tout sauf une monnaie fiable.

 

 

 

 

Un krach inévitable...

 

 

Une grande partie des gens qui croient en l’avenir du Bitcoin pensent que la hausse régulière de son cours est justifiée par son énorme potentiel et qu’il n’y aura pas de krach. Or il se trouve justement que les plus grosses bulles spéculatives ont toujours concerné des titres qui avaient un énorme potentiel : les compagnies maritimes qui ramenaient des richesses du monde entier (la Compagnie des Mers du Sud en Grande-Bretagne et la Compagnie des Indes en France ont généré une énorme bulle qui a explosé en 1720), mais aussi le potentiel extraordinaire des valeurs internet (krach en 2000). Et il s’agissait bien de bulles.

Car le principe d’une bulle spéculative (appliqué ici au Bitcoin) est très simple : certains sont prêts à acheter des Bitcoins à un prix légèrement supérieur au prix de la veille, car ils pensent que le cours va continuer à grimper à l’avenir comme il a grimpé dans le passé. Autrement dit : le cours augmente parce que les investisseurs pensent qu’il va augmenter (et ils sont donc prêts à acheter un peu plus cher que la veille). C’est ce qui se passe actuellement.

Cependant, il va de soi que le cours du Bitcoin (comme le cours de n’importe quel titre) ne peut pas augmenter à l’infini. À un moment (impossible à prévoir), un événement va faire qu’un certain nombre de détenteurs de Bitcoin vont se dire que le cours est monté tellement haut qu’il est temps de vendre (avant que le cours ne chute), et voyant cela, tout le monde va vouloir vendre (au plus haut). Mais à ce moment-là, il y aura très peu d’acheteurs et voyant cela, les vendeurs seront prêts à revendre leurs Bitcoins au rabais, ce qui provoquera une baisse des cours, qui créera une panique chez les vendeurs qui voudront vendre à tout prix (afin de perdre le moins possible). Et s’il n’y a pas suffisamment d’acheteurs, le prix de rachat peut descendre très bas. C’est le principe d’un krach.

Il se peut même que certains n’arrivent pas à revendre leurs Bitcoins. Car le Bitcoin n’a aucune valeur en soi, contrairement à l’or qui aura toujours une valeur marchande liée à la fabrication de bijoux et à son usage dans l’industrie. De même, après un krach, les actions gardent une certaine valeur dans la mesure où elles constituent des parts de sociétés qui produisent des biens ou des services qui ont une réelle utilité. A l’inverse, le Bitcoin n’a de valeur que si les gens y croient. S’ils n’y croient plus, le Bitcoin peut disparaître du jour au lendemain.

Par conséquent, il est extrêmement risqué de garder ses Bitcoins aujourd’hui et plus risqué encore d’en acheter.

 

 

 

 

Un krach qui n’est retardé que par une foi aveugle

 

 

Ce qui est très particulier dans le cas du Bitcoin, c’est qu’une grande partie des détenteurs de Bitcoin n’ont pas l’intention de les vendre pour le moment. Ils y sont attachés parce qu’ils croient au Bitcoin.

Ainsi, un récent sondage réalisé par LendEDU et Pollfish en novembre 2017 a révélé les motivations qui ont poussé les Américains à acheter du Bitcoin récemment :

  • Pour 47%, c’est parce qu’ils croient que c’est une technologie qui va changer le monde
  • Pour 22%, c’est parce qu’ils considèrent le Bitcoin comme réserve de valeur de long terme (comme l’or)
  • 15% ont été convaincus par des proches
  • 14% parce qu’ils pensent que le cours ne peut que monter

Autrement dit, 92% des détenteurs américains de Bitcoin en ont acheté parce qu’ils croient en son avenir. Un investissement qui repose donc sur un acte de foi (aveugle ?) plutôt que sur des arguments rationnels.

Seuls 8% ont acheté du Bitcoin pour réaliser des achats avec. Ce qui montre bien que, pour le moment, les détenteurs de Bitcoin ne le considèrent pas principalement comme une monnaie opérationnelle, mais plus comme une monnaie d’avenir.

Tant que cette foi perdurera, le cours du Bitcoin peut très bien continuer à monter encore longtemps. Mais le jour où ils se rendront compte que cette monnaie n’est pas viable, ils perdront la foi et le Bitcoin s’effondrera.

Malheureusement, il y a fort à parier que les plus ardents et sincères défenseurs du Bitcoin feront partie des grands perdants. Ils garderont en souvenir des Bitcoin qu’ils ne pourront pas revendre. Souvenir d’un rêve fou de monnaie libre mondiale qui se sera envolé en quelques heures, consumé par la folie spéculative. Et les grands gagnants seront les spéculateurs professionnels, habitués à acheter et revendre sans scrupules, sans attachement, et capables de revendre alors que le cours est encore en hausse afin d’être sûrs d’engranger la plus-value avant le krach.

Les partisans du Bitcoin risquent donc d’être victimes de leur foi dans cette expérience de monnaie libre, livrant ainsi leur épargne aux spéculateurs du système bancaire dont ils voulaient se libérer ! Un comble !...

 

 

 

 

Vers une nouvelle crise financière et économique mondiale ?

 

 

Dans une bulle, il n’y a pas de miracle : l’argent ne tombe pas du ciel. Ce sont bien les acheteurs qui donnent leur argent aux vendeurs. Mais le problème, c’est que, tant que le cours monte, les acheteurs sont tentés d’attendre pour revendre. Et c’est là qu’ils risquent de tout perdre.

Une bulle et son krach constituent donc un gigantesque transfert de richesses, qui atteint son apogée juste avant le krach, où va s’opérer un ultime et énorme transfert de richesses entre les derniers acheteurs (qui vont tout perdre, car ils détiendront des Bitcoins qui ne vaudront plus rien après le krach) et les derniers vendeurs (qui vont toucher le jackpot, surtout s’ils ont acheté leurs Bitcoins il y a longtemps).

Mais au-delà du gigantesque transfert de richesses entre acheteurs et vendeurs de Bitcoin qu’un krach peut générer, il peut également avoir des conséquences sur toute la population.

En effet, après un krach, certaines personnes peuvent avoir des difficultés financières, ce qui va nécessairement perturber le fonctionnement de l’économie. Elles peuvent même se retrouver en situation de surendettement si elles ont emprunté de l’argent à leur banque pour acheter des Bitcoin (c’est malheureusement une pratique courante dans les bulles). Dans ce cas, les banques peuvent elles-mêmes se retrouver en difficulté si de nombreux emprunteurs se retrouvent dans l’incapacité de les rembourser, ou si elles ont elles-mêmes investi dans le Bitcoin. Fragilisées, les banques peuvent être contraintes de réduire les crédits octroyés à l’économie (pour retrouver l’équilibre de leurs comptes), générant ainsi un ralentissement de l’activité, voire une récession.

Bien entendu, l’ampleur de la crise dépendra de la proportion de la population qui aura acheté du Bitcoin (qui est très variable selon les pays), mais aussi et surtout de l’implication du système bancaire dans la bulle. Ainsi, si la bulle des bulbes de tulipes en 1637 en Hollande a eu peu d’impact sur l’économie, c’est parce qu’elle impliquait peu de monde. A l’inverse, la bulle boursière de 1929 aux Etats-Unis impliquait énormément de monde et ses conséquences furent dévastatrices.

C’est pourquoi il est absolument vital pour tous que cette bulle ne prenne pas trop d’ampleur : il est urgent d’informer sur les dangers qu’il y a à participer à une telle bulle (pour soi-même et pour la société dans son ensemble). C’est l’objet de cet article.

Néanmoins, je suis bien conscient qu’il est difficile de résister à la tentation de gagner autant d’argent en si peu de temps sans travailler. C’est pourquoi il faudra un jour légiférer pour empêcher la formation de ces bulles, en supprimant la possibilité de spéculer sur le cours d’un titre ou d’une devise, comme je le préconise dans « Ecosophia ».

 

 

 

 

Le Bitcoin pourrait bien emporter toutes les cryptomonnaies dans sa chute

 

 

La frénésie actuelle autour du Bitcoin rappelle l’atmosphère fébrile qui régnait en Hollande au début de l’année 1637, juste avant l’éclatement de la bulle des bulbes de tulipes, ou en France en 1720 avec l’éclatement de la bulle liée au système de Law, ou encore en l’an 2000 juste avant l’éclatement de la bulle internet.

Ce qui est frappant, c’est que dans chacun de ces cas, des innovations financières et techniques ont littéralement fasciné les contemporains : les contrats à terme pour les bulbes de tulipes, les actions sur la compagnie du Mississipi (transformée en compagnie des Indes) qui devinrent monnaie légale dans le système de Law, l’internet en 2000 et bien entendu la Blockchain pour le Bitcoin.

Fascinés par ces innovations, convaincus qu’elles étaient géniales sans en comprendre vraiment ni la nature, ni la portée, les gens se sont laissés séduire par des génies qui leur ont vendu du rêve pour mieux les escroquer.

Car, quelle meilleure escroquerie qu’une bulle spéculative ? Réussir à susciter l’enthousiasme autour d’un projet, faire monter le cours de l’action et revendre avant le krach quand on fait partie des premiers actionnaires, c’est un moyen parfaitement légal de gagner un maximum d’argent (parfois des milliards) sur le dos de ceux qui auront cru en vous.

Mais plus les espoirs de gains miraculeux sont élevés, plus le sentiment d’avoir été trompés et trahis est fort. Au point que le Bitcoin pourrait très bien entraîner dans sa chute et discréditer toutes les cryptomonnaies, comme la chute du système de Law en 1720 a généré une méfiance très forte et durable des Français concernant l’usage des billets comme monnaie.

Ceci n’empêchera probablement pas les usages de la Blockchain de se répandre, dans un cadre plus réglementé, comme l’internet a continué de se développer après le krach de 2000. Mais le financement des cryptomonnaies risque de se tarir pendant un certain temps, à cause du discrédit jeté sur le Bitcoin.

 

 

 

 

Une gigantesque escroquerie ?

 

 

Le cours du Bitcoin est passé de 0.001 $ en octobre 2009 à 700 $ en novembre 2016 et plus de 10000 $ fin novembre 2017.

Ceux qui ont investi la modique somme de 200 $ en Bitcoin en 2009 peuvent donc les revendre aujourd’hui pour plus d’un milliard de $ !!!

N’est-ce pas le casse du siècle pour ses créateurs et les investisseurs des premiers jours ? On comprend dès lors l’intérêt qu’ont les détenteurs de Bitcoin à le promouvoir !

J’ai moi-même assisté à plusieurs réunions et colloques sur le Bitcoin qui m’ont fait penser aux grand-messes qu’organisent les entreprises de marketing de réseau (bien souvent pyramidales). Je me suis toujours demandé si les organisateurs étaient sincères ou s’ils pensaient aux profits qu’ils allaient réaliser en faisant monter le cours grâce aux nouveaux arrivants ! En tout cas, la question de la bulle était toujours soigneusement évitée ou balayée d’un revers de main, en arguant que le cours monte parce que le Bitcoin, c’est l’avenir ! Et certains participants semblaient faire preuve de la même naïveté qui vous fait rentrer dans un réseau de marketing en croyant que vous allez gagner beaucoup d’argent alors que la mise de départ des nouveaux arrivants permet essentiellement de rémunérer grassement les anciens ! Quand on y réfléchit, les bulles ont beaucoup de choses en commun avec les systèmes pyramidaux !

A l’occasion d’un colloque dithyrambique sur le Bitcoin qui avait lieu à l’Ecole Normale Supérieure le 26 juin 2017, la plateforme française Paymium a même offert 0,0047 Bitcoin (l’équivalent de 10 euros à l’époque) à tous les participants afin de leur ouvrir un portefeuille en Bitcoin dans lequel ils puissent investir leur épargne. Quel intérêt pour la plateforme ? Faire monter les cours en attirant les épargnants et toucher des commissions au passage (qui compenseront largement le cadeau offert aux participants de ce colloque). Ce sont d’ailleurs ces commissions qui poussent un grand nombre d’acteurs du domaine à faire de la publicité pour le Bitcoin actuellement sur internet.

Mais il y a pire. Et c’est là le plus grave : le Bitcoin a été conçu de telle manière qu’il ne peut que générer une bulle. En effet, à l’heure actuelle, 17 millions de Bitcoins sont déjà en circulation, ce qui représente plus de 170 milliards de dollars (au cours du 1er décembre 2017), et il a été annoncé dès le début qu’au total, il n’y aurait que 21 millions de Bitcoins créés. Ce qui signifie que l’offre de Bitcoin est limitée alors que la demande peut être quasi infinie (puisque tous les habitants de la planète ont la possibilité d’acheter du Bitcoin). Par conséquent, conformément à la loi de l’offre et de la demande, le cours ne peut que fluctuer énormément en fonction de la demande. Mais ce que ses promoteurs oublient de dire, c’est que si le cours peut augmenter régulièrement au fur et à mesure que de nouveaux acheteurs arrivent, il peut aussi s’effondrer le jour où on se rendra compte que cette « monnaie » n’est pas viable. Car si les monnaies officielles sont universellement utilisées, c’est parce qu’elles sont relativement stables (prix et taux de change), ce qui n’est possible que si la création de monnaie est suffisante pour financer la croissance. Sans création régulière de nouvelle monnaie, les prix et les taux de change ne pourraient pas être stables !!!

Le créateur du Bitcoin, un informaticien de génie, ignorait-il la nécessité qu’une monnaie soit stable pour générer la confiance ? C’est possible. Ignorait-il la loi de l’offre et de la demande ? Ca paraît impossible.  Alors a-t-il délibérément créé un système décentralisé pour générer une bulle dont il pourrait profiter ? Il est bien difficile de le savoir, mais c’est une hypothèse qu’on ne peut pas écarter.

Ce qui est certain en revanche, c’est que les promoteurs actuels du Bitcoin utilisent l’argument du nombre limité de Bitcoin créés pour inciter les gens à se ruer sur les derniers exemplaires d’un produit de grande valeur (selon eux) en rupture de stock. Argument commercial qui contribue à la hausse du cours !

Alors, qui des créateurs ou des promoteurs actuels du Bitcoin est le plus conscient de la bulle qui se forme et donc de la tromperie qu’elle représente ? Impossible à dire. Ce qui est sûr, c’est que la conception du Bitcoin, dès son origine, repose soit sur une gigantesque arnaque, soit sur une ignorance des principes fondamentaux de l’économie.

 

 

 

 

Une révolution monétaire conçue pour la clandestinité, pas pour la vie en société

 

 

L’architecture du Bitcoin a été conçue par des libertariens (anarchistes libéraux), pour qui la liberté compte plus que tout. La formule « Ni Dieu, ni maître » a en quelque sorte été remplacée par la formule « Ni Etat, ni banques ». La philosophie qui sous-tend le Bitcoin étant : « je fais ce que je veux de mon argent et je n’ai pas de compte à rendre aux autorités ».

Dans cet esprit, le Bitcoin peut être utile au cas où s’organise une résistance à un pouvoir autoritaire, comme ce fut le cas récemment en Ukraine. Mais cela ne peut pas être érigé en système permanent dans un pays démocratique car l’anonymat n’est pas compatible avec la prise de responsabilités indispensable à la vie en société.

Par ailleurs, pour que chacun contribue à hauteur de ses moyens au financement des services publics, il vaut mieux un maximum de transparence. Plus les rémunérations et les transactions seront cachées, plus les individus seront tentés par l’évasion fiscale !

Quant à la prétendue sécurité absolue (voire infaillibilité) de la Blockchain que nous vantent les promoteurs du Bitcoin, elle est à relativiser. En effet, si la Blockchain elle-même semble relativement sécure malgré différents incidents (corrigés), on ne peut pas dire la même chose des plateformes d’échanges (indispensables pour acheter et vendre du Bitcoin) : selon le site Bitcoin.fr, il y aurait eu des vols de Bitcoin sur différentes plateformes (Bitstamp en 2015, Bitfinex en 2016). Mais surtout, en 2014, la réputation du Bitcoin a été entachée par la faillite de la principale plateforme, MtGox, suite à la disparition mystérieuse de 650 000 bitcoins (soit environ 400 millions de dollars à l’époque) :  Mark Karpeles, le patron français de cette société japonaise, affirme qu’il a été victime d’une attaque informatique extérieure mais la justice japonaise le soupçonne de détournement de fonds !

Niveau sécurité de la monnaie, on fait mieux ! D’autant que, n’étant pas reconnu comme un instrument de paiement au sens de la législation européenne, le Bitcoin n’offre aucune protection à ses utilisateurs : pas de garantie de remboursement et aucun recours en cas de transaction frauduleuse.

Bref le Bitcoin correspond à un modèle de résistance clandestine, mais pas un modèle de "vivre ensemble" qui suppose qu’on assume ses actes, qu’on prenne ses responsabilités et qu’on contribue à hauteur de ses moyens aux biens communs.

Pour couronner le tout, le Bitcoin et sa Blockchain consomment énormément d’électricité (l’équivalent de la consommation du Danemark cette année), car la création des Bitcoins (ce qu’on appelle le minage) et l’enregistrement des transactions nécessitent de faire tourner en permanence de très nombreux ordinateurs partout dans le monde. Par conséquent, plus le Bitcoin va se développer, plus cela va entamer les ressources en électricité : cette technologie ne va donc pas dans le sens du développement durable.

De ce point de vue, le Bitcoin se révèle finalement plutôt comme un modèle de ce qu’il ne faut pas faire si l’on veut créer une monnaie viable et conforme à un développement durable.

 

 

 

 

Faire croire que l’on peut créer une monnaie mondiale alternative entièrement sécurisée par une technologie innovante sans assurer la stabilité de cette monnaie, c’est aussi mensonger et absurde que de faire croire qu’on peut faire pousser des plantes vertes sans lumière. C'est un non sens.

Et ce n’est pas parce que le système des monnaies officielles ne fonctionne pas de manière optimale que tout système alternatif est nécessairement meilleur : avec sa bulle spéculative, son instabilité et son anonymat, le Bitcoin est probablement la pire monnaie qui ait jamais été créée. Si tant est qu’on puisse appeler cela une monnaie. Car ça ressemble plus à une gigantesque escroquerie sous couvert d’innovation technologique.

Alors on comprend pourquoi le créateur du Bitcoin préfère garder l’anonymat (sous le pseudonyme de Satochi Nakamoto) : il a probablement fait fortune et ne veut pas être poursuivi pour escroquerie. Si le Bitcoin avait été créé pour rendre service à l’Humanité, il en assumerait fièrement la paternité, comme tous les créateurs de start-up à succès.